L’évolution du journalisme en accéléré

On peut hésiter à se plonger dans ces quarante portraits : « peopolisation », superficialité ? Eh bien non ! Si la curiosité de découvrir le parcours de ces gens de presse que l’on connaît plus ou moins bien (et parfois pas du tout), est certes satisfaite... là n’est pas l’essentiel. La réussite de ce livre n’est pas dans la narration de la vie de ces hommes et de ces (quelques) femmes, mais bien davantage dans le récit historique de l’évolution du journalisme que nous offrent ces pages. En ce sens, la lecture chronologique (pas indispensable) s’avère intéressante. Les transformations du métier de journaliste apparaissent comme dans un film en accéléré.

Ainsi, de la nécessité de départ qu’éprouva Théophraste Renaudot, l’inventeur du journal, à lister les décisions royales, « déboulent » au fur et à mesure des pages : la notion de liberté de la presse ; le concept de quatrième pouvoir et d’influence politique ; l’apparition de rubriques d’intérêt public comme la culture ; des critères éthiques comme l’impartialité ou la véracité ; la nécessaire adéquation entre faits et illustrations ; la naissance de la satyre ; l’arrivée de la publicité ; les débuts de l’organisation interne de la profession ; l’éternel refus de la déontologie..... Les Beuve-Méry, Lazareff, Hersant, JJSS, Filipacchi, Ganz, July, etc. des dernières décennies illustrent à leur tour ce film en noir et blanc.

Que ces transformations soient le résultat d’une recherche de profit par l’augmentation du lectorat, de l’amélioration des conditions de travail, de préoccupations éthiques ou encore de l’adaptation aux évolutions de l’époque, nous éprouvons un réel plaisir à les découvrir page après page, portrait après portrait. Mais surtout on apprend, on apprend beaucoup.

Il était sans doute possible de se passer de trois ou quatre chapitres... mais c’est un bel ouvrage, fourni, approfondi, agréable à suivre comme une grande aventure.