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Evénement / Débat
Régulation des médias

Une Charte. Une instance d’éthique. Les professionnels donnent leur avis.

Verbatim du tour de table "Charte et instance de régulation" aux Assises 2010

par Yves Agnès

Il s’agit ici de résumé des prises de paroles, et non d’une transcription littérale et exhaustive des interventions. Nous avons essayé de refléter au mieux l’essentiel de vos propos. Merci de nous faire connaître vos éventuelles demandes de corrections au cas où les « journalistes-greffiers » en auraient déformé (bien involontairement) le sens.

Vincent Peyregne (Ministère de la culture et de la communication)
Depuis les EGPE, le ministère et le ministre ont témoigné à maintes reprises de leur soutien aux démarches entreprises par la profession pour adopter un texte de référence en matière d’éthique de l’information.. Mais ce n’est pas aux pouvoirs publics de faire le travail de la profession. Nous attendons d’abord et avant tout une autorégulation. Et formons le vœu d’un consensus le plus large possible sur ces questions éthiques.

Les professionnels

Pascale Marie (Syndicat de la presse magazine)

Le texte « Frappat » est perfectible, mais c’est un équilibre. Un code déontologique peut être recommandé par les instances patronales et adopté volontairement par les entreprises ; il ne doit pas être lié à la convention collective, cela fragiliserait le droit de la presse.
Sur l’instance, nous ne sommes pas encore prêts, nous avons des questionnements comme sa composition et son pouvoir de sanction. Nous ne voulons pas d’un Ordre, nous ne sommes pas encore en demande d’une instance.

Jacques Morandat (Fédération française des agences de presse)

Notre position est ancienne et claire : oui, un texte est absolument nécessaire, car nous devons des comptes à nos publics. Il doit être élaboré par l’ensemble de la chaîne d’information, car tous sont concernés. Pourquoi pas par les partenaires sociaux ? Mais il ne doit pas être lié à la convention collective. Pour le rédiger, il faut partir de tous les textes existants, ils ont tous leur intérêt.
Un tel texte n’a de sens que si quelqu’un contrôle son application. Une instance doit être créée et réunir les professionnels et le public.

Nicolas Thiéry (Union syndicale des journalistes CFDT)

Oui, nous souhaitons un accord, c’est-à-dire un compromis, après une discussion ouverte et honnête. C’est un enjeu social, économique et financier qui devrait être réglé sans trop tarder. La Charte de Munich de 1971 (5 droits, 10 devoirs) est une bonne base de travail.
Nous soutenons la proposition du SNJ d’une instance de médiation rattachée à la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels. Une instance permettrait d’éviter les conflits et il faut s’adosser à ce qui existe déjà dans le cadre légal. Nous sommes favorables à un paritarisme élargi pour une telle instance et nous souhaitons là aussi un accord.

Jean-Pierre Vittu de Kerraoul (Syndicat de la presse hebdomadaire régionale)

Pour un texte de référence, la réponse est oui. Nous avons déjà adopté dans notre syndicat le texte « Frappat », mais on pourra l’améliorer. Cela marque une volonté de s’adresser au public, ce qui est important. Il crée une sorte de référence commune et cela aussi est important, même si cette référence évolue. Le rattachement de ce texte à la convention collective n’est pas une bonne idée.
S’il y a une charte et qu’on n’en parle plus, elle sera sans efficacité. Une instance d’éthique et de médiation aurait plusieurs avantages : la possibilité pour le public de s’adresser à une instance plutôt qu’à un avocat ; combattre le sentiment du public que les journalistes ont tous les droits ; créer un lieu de réflexion et de dialogue permanents. Son pouvoir devrait être de donner et de publier des avis, ce qui serait précieux ; il ne doit pas y avoir de sanction, pas plus qu’il ne faut favoriser à travers cette instance un « journalistiquement correct », il faut respecter la diversité éditoriale. L’exigence d’effectivité doit se conjuguer avec l’exigence de diversité.

Gilles Pouzin (Syndicat des journalistes CFTC)

Un code déontologique ? Oui, mais le « Code Frappat » est une mauvaise feuille de route, restrictive, et s’adressant aux seuls journalistes ; il est insuffisant, il énonce des devoirs mais pas de droits. Les journalistes ne sont pas les seuls concernés, il y a aussi leurs sources, les services de communication… il faudrait un code de déontologie qui concerne tous les acteurs de l’information. Ce serait un progrès que le mensonge délibéré à la presse devienne un délit au même titre que la diffamation.
L’autorégulation confiée aux seuls éditeurs ne fonctionne pas, comme on l’a vu avec l’association patronale FIDEO créée après l’adoption de la « loi Breton » de juillet 2005. Un conseil de presse ouvert au public pourrait être une instance parmi d’autres instances de déontologie et les dispositions du droit de la presse.

Laurent Mauriac (Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne)

Le syndicat s’est créé récemment, il rassemble quelque soixante éditeurs et défend un journalisme de qualité sur Internet. Nous avons annexé la Charte de Munich à nos statuts, mais nous sommes favorables à une discussion à partir du texte « Frappat ». Un texte commun devrait prendre en compte la révolution numérique et la neutralité des supports, nous sommes inquiets par rapport au respect des règles du métier.
Nous sommes d’accord sur le principe d’une instance et prêts à favoriser sa création, mais nous nous posons des questions, notamment sur sa faisabilité, sur la représentation du public, sur le pouvoir de sanction (s’il n’y a pas de sanction, ne serait-ce pas un gadget ?).

Alain Girard (Syndicat national des journalistes)

Nous sommes bien évidemment pour un texte de référence déontologique commun. Le pouvoir politique nous presse et nous ne bougeons pas… Le SNJ préfère sa propre charte de 1918/1938, elle existe dans la convention collective de l’audiovisuel public et fait autorité. Mais nous ne sommes pas sourds aux critiques, nous allons actualiser notre charte et nous participerons aux discussions pour chercher un consensus. Nous pensons que l’annexion à la convention collective est toujours d’actualité car un texte de déontologie concerne la profession seule, à travers ses partenaires sociaux, et qu’il doit pouvoir être respecté, sinon ce serait un catalogue de bonnes intentions.
Si une instance de régulation devait être créée, elle devrait « instruire » les cas de manquements dans le but d’améliorer le contenu des médias, d’éviter que des affaires comme Grégory ou Outreau ne se reproduisent, que l’on confonde information et communication, que l’on manque de rigueur et de mise en perspective… Toute la chaîne de fabrication doit être concernée dans cet examen des cas. La seule publication des avis peut constituer la sanction. La présence du public dans l’instance ? Pourquoi pas, à condition que la profession reste majoritaire. Nous pensons qu’il faut placer la démarche sous la tutelle de la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels, car c’est une autorité reconnue par l’ensemble de la profession.

François d’Orcival (Syndicat professionnel de la presse magazine et d’opinion)

L’assemblée générale de mon syndicat a adopté ce matin à l’unanimité le projet de code de Bruno Frappat pour l’annexer à ses statuts. C’est une étape importante qui signifie que nous sommes d’accord avec ce texte tel qu’il est, mais nous participerons à la prochaine réunion de discussion organisée le 7 décembre par Bruno Frappat. Nous estimons qu’un tel texte doit être rendu public d’une façon ou d’une autre. Nous ne nous engageons pas sur la convention collective.
Faut-il une instance pour donner une existence encore plus réelle à notre engagement ? Nous sommes loin d’un accord de consensus sur ce point, quelle que soit la définition d’une telle instance. Commençons par adopter et faire vivre un code commun de déontologie, par en mesurer les intérêts et les défauts. Faire vivre la charte adoptée doit d’abord se faire au sein de chaque entreprise. La question centrale est la confiance du public, à qui il faut donner des garanties et chaque entreprise est concernée.

Emmanuel Vire (Syndicat national des journalistes CGT)

Ce n’est pas une charte ni une instance qui pourront redonner la crédibilité. La profession de journaliste est en danger avec les concentrations, la précarisation, etc. Pour remédier à la désaffection du public, il faut donner le pouvoir aux journalistes et l’indépendance aux rédactions.
Nous sommes en totale opposition avec le « code Frappat », car il ne dit rien de la responsabilité des éditeurs. Ce texte est dangereux. Nous sommes pour l’annexion à la convention collective de la charte de Munich de 1971.
Nous avons toujours été contre une instance de déontologie, même si nous n’avons pas de réflexion approfondie sur ce sujet.

François Malye (Forum des sociétés de journalistes)

Un code de déontologie, oui, mais comment le faire respecter ? Le vrai problème est au sein des rédactions. Beaucoup d’entorses à la déontologie ne sont pas perceptibles au public et ne peuvent être réglées qu’au sein de l’entreprise. C’est pourquoi il faut un contre-pouvoir au sein des entreprises ; c’est le sens de la proposition de loi de Patrick Bloche (PS) qui est discutée demain à l’Assemblée nationale.

Jérôme Bureau (M6)

Le débat important est dans les rédactions. Il faut des médiateurs dans les grandes rédactions. Tant mieux si en plus il y a un texte, mais il ne faut pas le lier aux questions sociales.
Nous avons une autorité de régulation dans l’audiovisuel, le CSA. Vous pouvez constater à quel point cela change la donne !… Ni une charte, ni une instance ne peuvent restaurer la confiance. Mais cela ne nous exonère pas d’une réflexion sur le manque de crédibilité. Les journalistes ont plus besoin de protection que de régulation. Et au nom de quoi une autorité paritaire aurait-elle une légitimité ?

Françoise-Marie Morel (TF1)

Les garde-fous ne sont-ils pas dépassés avec la diffusion internationale de l’information et Internet ? Je suis plutôt d’accord pour une charte de déontologie, mais qui ne soit pas plus draconienne que les règles imposées par le CSA. Au contraire, les chaînes devraient être mieux protégées par la législation sur le droit à l’image, qui crée beaucoup de difficultés.

Pierre-Marie Christin (Europe 1)

Oui à la charte des journalistes, c’est une évidence. Mais quel est son statut ? Qui en est dépositaire ? Quelles sanctions ? Par qui ? Le débat n’est-il pas obsolète ? Il ne suffit plus de travailler selon les règles de l’art… Nous n’avons pas toujours les moyens adéquats et de nouvelles concurrences se sont faites jour : peut-on se contenter d’une auto-flagellation ?
Avec le CSA, nous n’avons pas besoin de nouvelles procédures normatives et coercitives. L’important c’est la question du statut des sociétés de journalistes et que l’on nous redonne les moyens de notre crédibilité.

Jérôme Bouvier (Radio France)

Un groupe de travail composé des directions des rédactions et des représentants des organisations syndicales a élaboré un projet de Charte qui puisse être adopté dans la convention collective de Radio France au printemps 2011. Inspiré du projet de code Frappat et de la charte de 1971, il prévoit des droits et des devoirs ainsi qu’un conseil d’éthique spécifique à Radio France, ouvert à des personnalités extérieures, chargé de veiller au respect de cette charte. Radio France témoigne ainsi de son total soutien au principe d’adoption d’une charte pour l’ensemble de la profession.

Dominique Burg (Radio France Internationale, à titre personnel)

Une charte déontologique interne liée à la médiation est en place à RFI depuis 1998. Il faudra la faire évoluer pour prendre en compte Internet. Une charte nationale semble très importante, notamment pour tous les journalistes isolés, qui n’ont pas de référence.
Une instance nationale pourrait être un intermédiaire avec les publics, capable de faire la part des choses et de donner des avis.

Dominique Gerbaud (Reporters sans frontières)

Je souhaite que l’on ait ce débat dans mon organisation. Nous organiserons d’ailleurs des Etats généraux pour la liberté de la presse en France au printemps prochain. Je suis personnellement favorable à une charte qui engage la profession ; elle est nécessaire pour reconquérir notre légitimité.
Faut-il une instance nationale ? Sûrement à terme. On pourrait, sur la base d’une charte commune, créer des « comités d’éthique » au sein des rédactions, comprenant du public. Une manière de préfigurer une instance nationale.

Eric Marquis (CCIJP)

La Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels n’a pas de compétence en matière de déontologie pour attribuer les cartes. Si ces compétences étaient appelées à évoluer, la Commission les assumera.

Les observateurs

Jean-Marc Roubaud (co-président du Groupe d’études sur la presse de l’Assemblée nationale, député UMP)

Un dispositif déontologique est-il nécessaire ? Cela peut contribuer à la qualité de l’information mais cela ne suffira pas à régler la question de la confiance du public. Il faut aussi travailler dans le sens de la qualité.
La presse est un sujet sensible et j’observe que vous êtes tous divisés. Il faut que vous arriviez à un socle commun. Pour le texte, l’annexion à la convention collective serait une erreur colossale. Pour l’instance, il faut s’inspirer des conseils de l’ordre, ce n’est ni suranné, ni utopique.
Ce n’est pas au politique de faire votre bonheur malgré tout. Mais si vous nous sollicitez, on sera là.

Olivier Dartigolles (porte-parole du Parti communiste français, conseiller municipal de Pau)

Ce n’est pas au politique – qui doit veiller à d’autres questions et notamment au pluralisme des médias – de dire ce que doit être un texte déontologique ou une instance. Il faut laisser les professionnels s’occuper de ces questions. Je ne pense pas que la crise de confiance se réglera avec un texte sur la déontologie…
Tout ce qui va dans le sens de la protection économique doit être appuyé, mais il faut aussi se préoccuper des concentrations, du statut des salariés, des aides à la presse…

Jacques Boutault (Les Verts – Europe Ecologie, maire du 2ème arrondissement de Paris)

Le débat tombe à point avec l’actualité et les questions que vous vous posez sont pertinentes. L’adoption d’un code déontologique serait un signal fort et nous encourageons cette démarche. Aux hommes politiques de valider ensuite vos accords, dans un cadre législatif si besoin.
Une instance de régulation est justifiée si elle se borne à rendre publics des avis sur les fautes reconnues. Des représentants du public doivent faire partie d’une telle instance. L’instance peut aider à compenser la vulnérabilité actuelle des journalistes.
Il faut mettre dans la Constitution l’indépendance des médias, et interdire l’accès aux marchés publics à toute société possédant plus de 10% dans le capital d’un média.

Yann Wehrling (porte-parole du Mouvement démocratique)

Le politique doit garantir le pluralisme, l’indépendance et la liberté de la presse. Mais il peut intervenir pour soutenir l’auto-organisation de la profession. Nous voulons de l’information vraie, que les faits soient vérifiés, qu’il n’y ait pas confusion entre information et communication…
La mise au point d’une charte est de votre ressort, mais si elle doit s’appliquer à toute la profession, je ne vois pas comment éviter le cadre législatif.

Patrick Bloche (président de la Commission médias du Parti socialiste, député de Paris)

J’ai beaucoup auditionné ces derniers temps pour la proposition de loi débattue demain matin (le 19/11/2010) à l’Assemblée nationale, et dont je suis le rapporteur. Elle concerne l’indépendance des rédactions. C’est aussi au cœur de ce débat. Nous défendons le droit des citoyens à une information de qualité.
Oui à la charte, oui à l’instance, ce serait un cadre intéressant. Pour le texte de référence, je penche pour la charte de Munich de 1971.

Christine Menzaghi (Information et citoyenneté)

Nous sommes le tiers état…Le public, pour nous, ce n’est pas d’abord et avant tout une clientèle ou une cible marketing, ce sont des citoyens organisés capables de prendre toute leur place et c’est pour cela que nous avons créé Information et citoyenneté car nous pensons pouvoir être partie prenante, comme des interlocuteurs responsables. Et nous constatons que le fossé se creuse entre les médias et leurs publics. Nous sommes pour un dispositif déontologique, mais accepté par toute la profession. Ce serait une promesse de la profession en direction du public, un premier pas.
Une charte est utile, car c’est un point d’ancrage. Une instance aussi, à condition qu’elle mettre en œuvre une vraie « co-régulation », avec nous.

Patricia Toumieux (Confédération nationale des associations familiales catholiques)

Nous sommes évidemment pour un dispositif déontologique. Vous discutez entre vous et vous ne nous entendez pas. Nous attendons quelque chose de vous. La déontologie est une garantie de sérieux pour l’information.
Les instances de médiation de consommateurs, c’est important pour nous et c’est valable dans le domaine de l’information. Nous voulons être force de proposition, nous ne demandons qu’une chose, c’est de collaborer.

Date de publication 20 novembre 2010
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